I. Vie quotidienne
1. Démographie & famille
La famille de ce XVIIème siècle a peu de choses à voir avec l'idée contemporaine que l'on s'en fait : elle doit faire face à une réalité cruelle et violente, la
mort. L'espérance de vie est courte, la mortalité infantile très élevée (un enfant sur deux meurt avant l'âge adulte, dont une très large majorité avant un an). Cette mortalité infantile est compensée par une très forte natalité, mais malgré cela, la population peine à s'accroître : en 1626, la France compte environ 18 millions d'habitants.
Cette terrible mortalité touche plus particulièrement les mères. Ainsi, le père ne reste pas veuf très longtemps, et ce par nécessité : il faut s'occuper des enfants. Les remariages sont donc souvent rapides, parfois un mois après la mort de la précédente femme. Ainsi nait l'image et le mythe de la belle-mère !
Le
regard sur l'enfant est quant à lui fort différent du nôtre : on ne s'intéresse à lui qu'à partir de 10 ans environ. Avant cela, il n'est pas vraiment une personne, et il existe à cet égard une certaine
indifférence envers la mort.
L'autorité au sein de la famille ne possède qu'un unique référent : le
père. On ne se
rebelle pas : les garçons atteignent leur majorité à l'âge de 23 ans, contre 18 ans pour les filles, qui demeurent quant à elles toujours sous
tutelle du père ou du mari, sauf en cas de décès de celui-ci. Ainsi, les
veuves sont les femmes les plus
libres du royaume.
L'âge moyen du mariage est de 26 ans pour les hommes, et 21 ans pour les femmes.
2. Petit appendice sur les mesures et monnaies
Les unités servant à mesurer tout ce qui est mesurable sont innombrables et très complexes. D'une province à l'autre, d'une vallée à l'autre parfois, elles changent ou varient de façon infime. Aussi, les poids, l'argent, les distances, les surfaces, toutes ces données sont-elles difficiles à intégrer sans entrer dans d'impossibles et permanentes conversions.
Par souci de simplification, nous ne retiendrons que les principales unités, et parfois même les simplifierons, ainsi que l'a fait Alexandre Dumas lui-même dans ses ouvrages, en particulier pour les monnaies.
Distances |
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1 lieue | 4 kilomètres environ |
1 pied | 32 centimètres environ |
3 pieds | 1 mètre environ |
1 pouce | 2,7 centimètres environ |
12 pouces | 1 pied |
1 toise | 2 mètres environ |
Poids |
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1 livre | 500 grammes environ |
1 once | 30 grammes environ |
Capacités |
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1 quarteron | Equivalent à 1 livre |
1 ânée (vin) | 100 litres environ |
1 pinte | 1 litre environ |
Monnaies |
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1 livre | 20 sous (ou sols) ou 240 deniers |
1 écu | 3 livres |
1 pistole | 10 livres |
1 demie pistole | 5 livres |
1 doublon | 2 pistoles ou 20 livres |
Les pistoles et les doublons sont des monnaies frappées souvent en Espagne et en Italie, fort prisées au début du XVIIème siècle. Par souci de clarté, et à l'instar de Dumas, nous parlerons la plupart du temps en pistoles ou en livres.
Le louis d'or (valant 10 livres) ne sera quant à lui créé par Louis XIII qu'en 1640.
Voici quelques exemples de coûts permettant d'évaluer la valeur de ces monnaies, tirés de la trilogie de Dumas (il serait impossible de les rapporter en francs d'aujourd'hui) :
Quelques exemples de prix |
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Un bon cheval | de 600 à 1.500 livres |
Harnachement de guerre | 300 livres |
Equipement complet de mousquetaire | de 1.500 à 2.000 livres |
Fréter un bâtiment de guerre | 10.000 livres |
Un beau diamant de famille | de 5.000 à 7.000 livres |
Excellent pourboire pour un laquais | 5 livres |
3. Voyager : distances & dépenses
Au XVIIème siècle, voyager est certes plus compliqué que de nos jours : le moyen le plus commode reste assurément le cheval. A cet effet, les relais de poste sont fort utiles. Hormis dans les grandes cités, telles Paris bien sûr, les routes ne sont pas pavées, mais de terre battue.
Selon Dumas (« Le vicomte de Bragelonne », chapitre XVII), il faut à un cavalier aguerri quatre jours et demi pour parcourir 45 lieues, soit des étapes d'une journée d'environ 10 lieues (~ 40 km). Dans « Vingt ans après », chapitre XXXII, Raoul de Bragelonne se souvient de rumeurs d'étapes héroïques de 25 lieues (~ 100 km) dans une journée.
On peut donc estimer le tableau suivant :
Cadence | Distance parcourue (lieues / jour) |
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Cadence lente : l'on prend son temps, avance au petit trot ou au pas. Les chevaux sont ménagés. Cette cadence n'est empruntée que par les carrosses luxueux, ou les équipées chevauchant avec des blessés. | 3 |
Cadence moyenne : on voyage au trot, quelques galops rares lorsque la route est belle. C'est la cadence de voyage couramment prise par les voyageurs. | 6 |
Cadence rapide : le voyageur avale les lieues au galop, faisant quelques haltes pour laisser sa monture se reposer et se restaurer, sans quoi elle ne tiendrait pas le choc. Un cavalier aguerri peut adopter cette cadence sans difficulté. | 10 |
Cadence très rapide : cette cadence nécessite de changer de cheval régulièrement (tous les 2 jours au moins) afin d'être maintenue. Le galop est très fréquent, il n'y a que peu d'arrêts. Il faut être un cavalier expérimenté et endurant pour supporter un tel train. | 18 |
Cadence folle : plus théorique que réelle, cette cadence n'est bonne que pour des poursuites acharnées sur les routes de France et de Navarre. Il est probable que l'on crève quelques chevaux à voyager si vite. | 25 |
4. La Poste
C'est en 1474 que Louis XI ordonne d'utiliser les relais entretenus par l'université de Paris pour correspondre avec les familles des étudiants, créant ainsi la Poste. Ce système acheminant le courrier au travers du royaume fut ensuite étoffé en 1603 par Henri IV, qui créa un corps de courriers spéciaux chargés de la correspondance des particuliers. Les tarifs sont fixés par décret royal, et manuscrits sur la lettre.
La Poste est relativement fiable, et les lettres n'arrivant jamais à destination ne sont pas si nombreuses : il est cependant toujours plus sûr d'envoyer un coursier privé porter le billet où l'on désire, mais cette façon de procéder est bien entendu bien plus onéreuse.
Outre le service de correspondance, les relais de Poste offrent la possibilité de louer un cheval pour ses déplacements. Disséminés dans tout le royaume, les relais mettent à disposition de qui le souhaite un cheval, qui pourra être rendu dans un autre relais. Ce service est bien sûr payant, mais fort utilisé et fort apprécié pour qui n'a pas les moyens d'acheter un cheval.
5. La culture populaire
Il n'est pas rare de trouver des livres chez les élites et les fonctionnaires de la monarchie, ainsi que chez les domestiques, qui profitent des dons de leurs maîtres. Les artisans possèdent également parfois quelques ouvrages. En revanche, cela est rarissime chez les paysans.
A Paris, il existe des amorces de bibliothèques publiques, mais également un important
marché de livres d'occasion : les élites donnent aux domestiques, qui revendent ensuite. On trouve également des
loueurs de livres, qui ont pour habitude de couper leurs ouvrages en trois pour éviter qu'on leur vole.
Dans les campagnes, des
colporteurs amènent les nouveautés venant de la capitale et des livres qu'ils ont acheté souvent en Suisse, afin d'échapper à la censure royale. Les
contrefaçons sont un marché florissant !
Les trois quarts des ouvrages sont des
livres religieux : vies des saints, prières, ou livres de raison (jour par jour, prière du jour, devoirs religieux). Le quart restant est une
littérature profane, littérature de colportage, dans laquelle certains éditeurs se spécialisent (notamment la célèbre Bibliothèque bleue, à Troyes) : ils recyclent de vieux romans médiévaux, des récits délaissés par une noblesse ne les trouvant plus à la mode, empreints d'une très forte connotation religieuse et morale, mais également de magie. Ces éditeurs font également de nombreux almanachs, donnant des conseils, prédisant le temps : on y apprend à bien mourir, à vivre une vie de bon chrétien.
6. Une petite météo aux alentours de 1626
Hivers 1615 & 1616 : très froids
Eté 1616 : été extrêmement chaud, qualifié par tous « d'été brûlant »
Hivers 1620 & 1621 : très sévères, s'étalant de novembre jusqu'à mars. En Alsace, les ceps de vigne gèlent même en avril.
Eté 1621 & 1622 : très frais et pluvieux. Grave crise frumentaire : le blé et le froment manquent un peu partout en Europe, créant çà et là des disettes.
Hiver 1624 : très neigeux
Eté 1624 : après la rigueur de l'hiver, l'été est très beau.
1625 & 1626 : les hivers sont exceptionnellement doux par rapport aux 50 années précédentes, mais les printemps et les étés restent médiocres, et très pluvieux.
Mai 1626 : fait exceptionnel, la dernière semaine de ce mois de mai 1626 est véritablement glaciale et hivernale : certains cours d'eau et lacs sont même pris dans la glace !
D'une façon générale, l'époque est nettement plus froide et humide que ce que nous connaissons aujourd'hui : la neige est un élément courant à Paris, de même que les inondations, qui frappent régulièrement la capitale, entraînant des scènes assez vénitiennes de barques faisant traverser les piétons sur une Seine ayant avalé les quais et recouvert certains ponts.