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1626, le gant & l'Epée

Saisir l'époque  I.  II.  III.  IV.

IV. Situation intellectuelle & artistique

Loin de nous l'idée de faire un descriptif complet des arts et lettres de l'époque, la tâche serait assurément trop vaste. Nous allons donc citer quelques œuvres, découvertes scientifiques et tendances culturelles de l'époque, afin d'essayer de mieux cerner ses aspects culturels, en particulier ce qui était « à la mode ».

D'une façon générale, la culture reste très fortement empreinte de religion, et ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du siècle que les pensées et découvertes majeures feront jour.

Il faut néanmoins appuyer sur un fait important : la fin des théories aristotéliciennes, pour l'héliocentrisme de Galilée (dont Rome fera le procès pour hérésie en 1633) sont une véritable révolution intellectuelle.

1. Peinture

Difficile d'établir un état des lieux de ces arts, tant la tâche est vaste. Aussi ne ferons-nous ici que citer les plus illustres ou les plus remarquables des artistes ayant laissé une empreinte dans leur époque, et dont les oeuvres sont un sujet de conversation en cette année 1626.

- Le Caravage : ce peintre italien, mort en 1610 de maladie, a connu une vie des plus mouvementées. Bagarreur, querelleur, affichant un goût notoire pour des préférences homosexuelles, l'agitation de sa vie fut aussi grande que la ferveur de ses toiles fut éloquente. Il fut l'inventeur de la technique du clair-obscur, et mit dans toute son oeuvre une application toute particulière à représenter le corps humain masculin dans un érotisme des plus scandaleux, en particulier pour l'Eglise. A ce titre, il connut une vie d'errance entre Rome, Venise, Malte, Syracuse ou encore Milan, et, malgré ce que la postérité lui reconnaît de nos jours, reste assez méconnu en ce début de XVIIème siècle.

- Georges de la Tour : contemporain de cette année 1626 (il décédera en 1652), de la Tour est un peintre français des plus illustres continuateurs du mouvement amorcé par Le Caravage, le clair-obscur. Tout comme son modèle artistique, il peint ses tableaux avec un réalisme forcené, un souci du détail peu commun et remarquable.

- Philippe de Champaigne : jeune peintre estimé de la couronne et en particulier de Marie de Médicis, Philippe de Champaigne travaille pour les grands du royaume à la décoration de nombreux édifices, tels que le Palais du Luxembourg, le Palais Cardinal, ou, plus tard le dôme de la Sorbonne. Il sera l'un des fondateurs de l'Académie Française, sous l'impulsion de Richelieu. Sa peinture, résolument naturaliste, est décrite comme rigoureuse, détaillées, précise, presque trop appliquée parfois. Cette rigueur ira croissante lorsque, quelques années plus tard, il prêtera foi au jansénisme.

- Nicolas Poussin : peintre français autodidacte, Poussin a acquis une certaine notoriété depuis 1623, après avoir réalisé une série de 6 tableaux pour les Jésuites, représentant la vie de Saint Ignace de Loyola. Il a également participé, avec Philippe de Champaigne, à la décoration du palais du Luxembourg où réside la reine mère, Marie de Médicis. Depuis 1624, il est à Rome, sous la protection du pape en personne, et, malgré une vie assez dissolue, peint essentiellement des sujets religieux ou mythologiques.

- Pierre Paul Rubens : un des plus illustres artistes d'Europe, ce peintre d'origine flamande n'est pas uniquement renommé pour son art, mais également pour ses talents de diplomate et son don pour les langues. De 1609 à 1621, il fut le peintre officiel de la Cour d'Albert et Isabelle, régents des Pays-Bas espagnols, et depuis 1621, il est le peintre attitré de la Cour de l'Infante Isabelle. Anobli en 1624 par Philippe IV d'Espagne en tant que « noble de la maison de la sérénissime infante », fait chevalier par le roi Charles Ier d'Angleterre pour le récompenser de ses efforts diplomatiques à faire aboutir un traité de paix entre l'Espagne et l'Angleterre, Rubens est assurément un grand personnage d'Europe. Il a, lui aussi, participé à la décoration du palais du Luxembourg, entre 1622 et 1625, mais est surtout réputé pour ses soixante toiles du pavillon de chasse du roi d'Espagne, ou sa décoration du plafond du palais de Whitehall.

2. Musique savante & musique populaire

Lully, Charpentier, Couperin, Delalande, Rameau, Bach, tous ces noms illustres ayant laissé une empreinte dans l'Histoire n'ont pas encore vu le jour. La France reste assez peu sensible à la montée du mouvement baroque en Italie, alors que les premiers opéras voient déjà le jour de l'autre côté des Alpes.

Ainsi conserve-t-on les goûts du siècle passé, qui fut marqué par un mouvement artistique fort chez les français et les flamands, avec des compositeurs très renommés comme Roland de Lassus, Clément Janequin ou encore Josquin Desprez. C'est le madrigal, forme élaborée de chanson populaire, qui prévaut, et Monteverdi, compositeur italien très en vogue, le porte à un niveau remarquable.

Dans le domaine religieux, le Vatican joue toujours un rôle important de mécène auprès de certains compositeurs tels que Palestrina, qui laissera à la postérité une centaine de messes. L'Angleterre connaît une période créatrice faste de musique instrumentale et chorale (notamment grâce à la Réforme, qui favorise la musique chantée en langue profane), et l'on voit se détacher quelques noms, comme par exemple John Dowland, ou au siècle précédent John Bennet.

Ex : Weep, Ô mine eyes - John Bennet (2,37 Mo)

La musique populaire est quant à elle plus volontiers associée à la danse, ainsi trouve-t-on de nombreuses chansons dont l'accompagnement musical n'est souvent là que pour souligner le texte, qui peut aller du drôle au franchement grivois.

3. Gros-Guillaume, le théâtre & l'Hôtel de Bourgogne

« Gros-Guillaume » est le surnom de Robert Guérin, également connu comme « La Fleur » : il est l'un des acteurs français les plus célèbres du moment, bien qu'âgé de près de 70 ans. Depuis 1622, il est le chef incontesté des « Comédiens du Roi », et jouit d'un succès immense. Souffrant de la gravelle, il est renommé entre autres pour avoir réussi à intégrer à son jeu d'acteur les grimaces provoquées par la douleur. Il est obèse, rougeaud, fardé à outrance, aime le bon vin : un personnage haut en couleur et dont l'énergie n'a de cesse de surprendre !

Parmi les comédiens renommés de la troupe de Gros-Guillaume, on trouve également un certain Pierre Le Messier, dit « Bellerose », dont le talent lui vaut un succès chaque jour grandissant, ou encore un certain Valleran Le Conte.

Cette joyeuse troupe joue à l'Hôtel de Bourgogne, une salle de spectacle très en vogue située rue Mauconseil (aujourd'hui rue Etienne Marcel), près de l'Eglise Saint-Eustache et non loin de Montmartre, et qui fut autrefois la résidence parisienne des ducs de Bourgogne.

4. La littérature

Le début du XVIIème siècle n'a pas encore réellement vu l'avènement des plus célèbres écrivains qui marqueront leur temps : Corneille, La Fontaine, Molière, Racine, Perrault, Boileau, Pascal, Mme de Sévigné, La Rochefoucault, Scarron, Saint-Simon, Mlle Scudéry, Cyrano de Bergerac, Bossuet, Fénelon, La Bruyère, Tallemant des Réaux... Autant de noms illustres qui ne sont pas encore connus, parce que trop jeunes, pas encore nés, ou pas encore réputés. On peut citer toutefois quelques auteurs et penseurs qui possèdent une certaine renommée.

- Théodore Agrippa d'Aubigné : écrivain calviniste qui fut fort en grâce auprès du feu roi Henri IV, il vit aujourd'hui à Genève, après avoir été renié par le parlement suite aux hardiesses qu'il eut dans un de ses ouvrages (une « Histoire universelle »).

- Pierre Gassendi : autant philosophe que mathématicien et astronome, Pierre Gassendi est également prêtre. Il entretient une correspondance soutenue avec Galilée, avec qui il partage les conceptions anti-aristotéliciennes. Il est entre autre le premier à décrire et à nommer le phénomène d'aurore boréale. Outre cela, Gassendi est un philosophe défendant fermemant le rationalisme, le pragmatisme, l'hédonisme, et sera un des maîtres à penser de Cyrano de Bergerac.

- William Shakespeare : le dramaturge anglais jouit déjà d'une certaine notoriété, et ses oeuvres, bien que parfois vivement contestées, sont fort appréciées partout en Europe.

- Miguel Cervantès : indéniablement un des plus en vue en cette année 1626, Cervantès a publié ses deux tomes de « Don Quichotte » en 1605 et 1615. Le premier tome, après sa traduction, fut un très vif succès en France. Le second fut quant à lui publié en français en 1625, et fait un tabac dans tout le royaume. Ce roman fut un tel succès qu'on lui connaît même une imposture, un second tome apocryphe attribué à Lope de Vega.

- Honoré d'Urfé : homme d'action de la fin du XVIème siècle, fervent partisan de la Ligue, Urfé est mort en 1625. Il est l'auteur entre autres de divers recueils de poêmes, mais surtout d'un roman pastoral fleuve de plus de 5000 pages, « L'Astrée ». Publié en 12 volumes sur plusieurs années (1607, 1610, 1619, et à sa mort en 1625), « L'Astrée » reste malheureusement inachevé. L'oeuvre sera terminée par son secrétaire en 1633.

- Charles Sorel : le sieur de Souvigny est un écrivain relativement méconnu, mais dont le roman « La vraie histoire comique de Francion » publié en 1622 connaît un franc succès. L'Histoire considérera cette oeuvre comme le premier roman picaresque, mettant à bas le très populaire roman pastoral.

- François de Malherbe : illustre poète, autrefois fervent défenseur de la Ligue, favori de Catherine de Médicis et Henri IV, Malherbe vit ses dernières heures (il mourra en 1628). Sa renommée est grande, et ses oeuvres accueillies partout comme celles d'un poète gentilhomme délicat et courtois.

5. L'Hôtel de Rambouillet

Situé tout près du Palais Royal, cet édifice fut construit en 1604 à la demande de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet. Italienne d'origine, cette femme raffinée à la santé fragile a su attirer chez elle toute une société de noblesse et de culture afin de retrouver la vie brillante qu'elle eut autrefois dans son pays natal.

Le poète Malherbe, grâce à un subtil anagramme, lui a donné le surnom d' « incomparable Arthenice » : elle est belle, vertueuse, cultivée, et a su faire de son salon un lieu de bienséance et de distinction de la haute société. Parmi ses hôtes de marques, on compte notamment la cardinal de Richelieu (bien qu'il se fasse désormais rare), le comte de Guiche, ou encore la princesse de Conti. On y trouve également Vincent Voiture, poète encore assez méconnu, mais dont l'habileté, la verve, et le talent pour distraire les élites lui vaudra plus tard bien des honneurs.

On y pratique des jeux variés : le coeur volé, qui consiste à chercher la voleuse d'un coeur de gentilhomme, la chasse à l'amour, trouver qui se cache dans les yeux d'une dame, le jeu du corbillon, une énumération des qualités et défauts que l'on aime ou pas chez quelqu'un, ou encore le jeu de la lettre, où toutes les réponses doivent commencer par une lettre convenue. On y entend également de la musique, on y revit des scènes antiques costumées...

6. Galilée & l'héliocentrisme

Galilée, par sa pugnacité à défendre la théorie héliocentriste que Copernic avait ébauchée presque un siècle auparavant, crée un véritable scandale dans toutes les cours d'Europe : le Vatican, ferme défenseur du géocentrisme qu'Aristote et Ptolémée avaient successivement ancré dans les esprits, combat rageusement cette nouvelle théorie hérétique.

En 1616, le pape Paul V et l'inquisition promulguent une condamnation des théories coperniciennes : malgré ce rude coup, Galilée s'entête et continue ses recherches sur de très nombreux sujets, et profite du développement d'une invention fabuleuse venue de Hollande, la lunette, qu'il expérimente et améliore lui-même, avec plus ou moins de succès.

Le 6 août 1622, le cardinal Maffeo Barberini est élu Pape sous le nom de Urbain VIII. En 1623, il autorise Galilée à publier « Saggiatore », qui connaît un très vif succès dans toute l'Europe, autant pour sa qualité polémique que pour son contenu. Galilée devient alors le porte-drapeau des intellectuels se battant contre le conformisme intellectuel et scientifique imposé par les Jésuites.

Le pape invite Galilée à Rome en 1624, et lui confie l'écriture d'un « Dialogue sur les deux systèmes du monde », ouvrage qu'Urbain VIII désire impartial, et présentant simplement les systèmes aristotélicien et copernicien.

Ce dialogue sera achevé d'imprimer en 1632, après de dures batailles contre la censure et les nombreux détracteurs du scientifique pour faire admettre ses écrits. L'ouvrage sera un véritable scandale, bafouant l'interdit de 1616 en défendant bec et ongles la théorie de Copernic : l'inquisition intentera un procès à Galilée en 1633, qui devra renier ses idées devant la menace de la torture.

Il faudra attendre Isaac Newton et sa « mécanique céleste » à la fin du XVIIème siècle pour que l'héliocentrisme soit enfin la théorie dominante.
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